Scorsese sort le grand jeu, ou plutôt son jeu habituel devrais-je dire. Réalisation soignée (même si les faux raccords sont quand même légion mais ça aussi c'est un peu sa marque de fabrique), effets de caméra saisissants, travail sur la lumière éblouissant, et un sens de la mise en scène irréprochable. En réunissant trois des plus grandes légendes du cinéma américain, qui plus est des pontes des rôles de mafieux, on a donc là un quartet mythique.
En résulte une fresque -presque- historique. Un récit s'étalant sur des décennies, une chronique de la vie d'une simple type d'origine irlandaise qui gravit les échelons d'un système bien rodé, avec ses codes et ses dangers, jusqu'à arriver dans les petits papiers du big boss. Si l'histoire de Hoffa, son ascension, sa chute et sa... disparition sont de notoriété publique, Scorsese prend quelques libertés bienvenues et propose une version des faits très plausible. 3h30 ça peut paraître beaucoup, et en effet, c'est un investissement qui ne sera pas aisé pour tout le monde, mais c'est assez rare d'avoir des films de ce calibre, donc si l'occasion se présente, ne pas hésiter à se plonger dans ce grand périple.
Seul point négatif, le rajeunissement des acteurs. Surtout au niveau des yeux. Al Pacino poncé à la sauce numérique, c'est déstabilisant. J'admets sans sourciller que la technique a atteint un niveau assez bluffant mais pas encore assez pour être complètement invisible. Lorsque le Frank Sheeran des années 50 apparaît pour la 1ere fois à l'écran au volant de son camion, la caméra fixe sur son visage immobile n'est là que pour souligner le fait que ce visage n'a rien de naturel. Et les yeux morts ne vont pas arranger les choses. Ce point m'a sorti du film sans cesse.
Je me joins complètement ce qui a été dit sur les productions Netflix : 80% sont de la grosse grosse merde, il n'y a pas d'autres mots pour le dire. Mais The Irishman n'en fait clairement pas partie. Là c'est le haut du panier, c'est du grand art.