Ah, la licence Star Wars. Comme tout ce qui nous tient à cœur, qu'on s'approprie et qu'on chérit, on a du mal à le voir changer et nous échapper. Ayant grandi avec la Trilogie Originale dans les années 80, puis découvert la Prélogie que j'ai d'abord aimé du haut de mes 14 ans, avant de la dénigrer après Revenge of the Sith, puis de revoir mon jugement, les années passant, et surtout la Postlogie venant fracasser sans vergogne une saga qui n'avait pas besoin de ça. Mais Star Wars c'est aussi et surtout un univers (pr)Etendu, richissime et varié. Le jeu vidéo en fait évidémment partie, et certaines de mes plus belles heures de gamer ont eu lieu sur des productions LucasArts, pas forcément sur des jeux objectivement excellents, mais qui ont fait brûler d'une flamme toujours vive, mon petit cœur de fan.
Pour être totalement honnête, j'ai aussi eu des expériences horribles avec des jeux de la licence, notamment Heroes of the Republic, trop mal branlé pour être excusable même si le projet avait été mené par une équipe junior : c'est juste un produit non fini et fait avec le cul.
Mais ne divergeons pas, car on est ici pour parler du grand retour des "vrais" jeux d'aventure Star Wars à la troisième personne, en solo, après le vaporware "1313" qui faisait rêver et n'a jamais vu le jour, et depuis "Jedi Academy" sorti en 2003, dernier tenant de la légendaire saga "Jedi Knight". Je mets "vrai" entre guillemets non pas pour dénigrer les "LEGO : Star Wars" qui sont d'excellents jeux, mais bien pour les démarquer des productions plus standard, qui viennent ajouter du contenu inédit.
C'est donc en 2018 qu'est annoncé "Star Wars : Jedi Fallen Order", en développement depuis 2016 sous l'égide de Respawn Entertainment à qui l'on doit les Titanfall ainsi qu'Apex Legends, et édité par Electronic Arts. Et d'emblée, le projet a de quoi faire frétiller d'impatience ! Une expérience en solo alors qu'on se mange du Battlefront depuis des lustres, cela ne se refuse pas, d'autant que les premiers visuels sont alléchants, que la période choisie (entre les Episodes III et IV) promet une ambiance sombre, et que l'on aura droit à de l'exploration sur différentes planètes et surtout au retour d'un Jedi au bout de la manette !
Alors, sans gâcher l'histoire, de quoi ça parle exactement ?
Cinq ans se sont écoulés depuis l'Ordre 66, la purge de l'Ordre Jedi, et l'avènement de Palpatine, empereur légitime et malfaisant. Cal Kestis (qui ressemble beaucoup trop à Archie, le personnage principal de Riverdale !) n'était que Padawan au moment où les clones ont tourné casaque et massacré ses congénères, mais il réussit tout de même à échapper à un destin funeste, et se réfugie sur la planète Bracca, où il désosse désormais des carcasses de vaisseaux spatiaux. Un jour, survient un accident sur un chantier, et Cal utilise la Force pour sauver l'un de ses amis, et pas de chance, un droïde sonde de l'Empire enregistre la séquence. Des Inquisitrices impériales (dont on découvre l'existence avec la très bonne série "Rebels" par ailleurs) sont alors dépêchées sur Bracca. Ces sombres personnages ont pour but de traquer toute personne ayant survécu à la Purge, avec les moyens pervers qui siéent à tout Etat totalitaire. Cal parvient encore une fois à tromper la mort, avec l'aide impromptue d'une autre Jedi, Cere Junda, qui espionne les Inquisitrices et emmène Cal loin de tout danger. Mais Cere a aussi une drôle d'idée derrière la tête : faire renaître l'Ordre Jedi de ses cendres, en retrouvant un holocron qui répertorie tous les enfants sensibles à la Force. Cet holocron a été caché par un Maitre Jedi, Eno Cordova, et le seul moyen de le retrouver est de suivre les traces qu'il a laissé lors de son passage sur différentes planètes. Évidemment, l'Empire aussi est à la recherche de l'holocron, et qui plus est, très remonté contre Cal qui a eu l'outrecuidance de s'en tirer à bon compte.
L'histoire est loin d'être inintéressante, et le scénario recèle quelques bonnes surprises. Honnêtement, on me vend ce scénar en lieu et place de la Postlogie ? J'achète immédiatement. On est clairement dans la même ambiance que dans "Rogue One", d'ailleurs on entendra souvent les mêmes sirènes d'alarmes que dans le film, et malgré tout les pointes d'humour ne viennent pas désamorcer les moments de tension. En bref c'est bien écrit. Alors certes, ENCORE des Jedi après ceux de Rebels, alors qu'on pensait que l'Ordre ne se résumait qu'à Obi Wan et Yoda... Bon, il faut bien remplir les 20 années qui nous séparent d'"A New Hope" quand même ! Et puis Obi-Wan et Yoda nous révèlent bien à la fin de "Revenge of the Sith" qu'ils ont pu émettre un message d'alerte afin que leurs condisciples ne reviennent pas sur Coruscant se faire tailler en pièces.
C'est donc une bonne surprise que d'avoir droit à un jeu avec un scénario qui n'est pas relégué au second plan, surtout venant d'un studio qui n'avait dans sa besace "que" deux jeux orientés multijoueur. L'expérience de Respawn Entertainment leur a permis de poser de solides bases techniques, pour un rendu visuel tout à fait satisfaisant, mais des baisses de framerate assez fréquentes (sur PS4 normale), et des textures qui tardent souvent à charger, alors que les temps de chargement sont déjà -très- longs, apportent ses premières ombres au tableau.
"Jedi Fallen Order" s'inspire sans s'en cacher de la série "Dark Souls", et va pomper allègrement différentes mécaniques qui font l'apanage de la création de FromSoftware. On retrouvera donc les points de méditation qui remplacent les feux de camps, et qui permettent de régénérer son énergie ainsi que ses fioles de soin en contrepartie de quoi tous les ennemis de la carte reviendront à la vie. L'expérience glanée lors des combats et perdue après s'être fait tuer, peut être récupérée en frappant l'ennemi coupable de votre trépas ou alors simplement en s'approchant d'une source lumineuse à côté de l'endroit d'où vous avez chuté vers le décès. On peut ouvrir des raccourcis sur les différentes planètes afin de retourner rapidement à un endroit donné. Le nombre de fioles de soin disponibles augmentera au fur et à mesure de l'exploration et en trouvant les coffres adéquats. Lors des combats on peut verrouiller un ennemi, faire des roulades, une jauge d'endurance indique si l'on peut encore parer les coups. Quand un boss est vaincu, un message "NOM DU BOSS Vaincu" apparaît à l'écran. Et la difficulté du jeu peut largement rivaliser avec les plus durs passages de Dark Souls, du moins en mode "Jedi Master" ou pire, "Jedi Grand Master" pour les masochistes. Surtout lors des passages un peu foutraques où des hordes d'ennemis surgissent tout à coup et en même temps : sueurs froides garanties et clairement, l'équilibrage est ici complètement foiré. Je soupçonne d'ailleurs un bug lors de mon passage sur Kashyyyk, quand, au sortir d'une plate-forme, je suis tombé sur deux Stormtroopers armés de lance-flammes, d'un droïde de sécurité, puis dans les secondes qui suivent, un AT-ST avec une troupe de Stormtroopers. Tant d'ennemis en même temps, c'est la mort assurée ! Lors de mon essai suivant, les ennemis sont bien arrivés par vagues.
Alors c'est bien, très bien même de s'inspirer des meilleurs, mais encore faut-il se donner les moyens de faire aussi bien. Et force est de constater que sur le level-design, on est à des années lumières de ce qui se fait chez les Japonais. En effet, les 5 mondes à découvrir sont vastes, mais souffrent d'une construction qui manque de panache et surtout, de logique : il ne s'agit pas de labyrinthes et pourtant, combien de fois me suis-je retrouvé perdu, à me demander par où passer pour retrouver mon chemin vers tel ou tel endroit ? Jamais cela ne m'est arrivé dans un Souls car le level-design exemplaire permet aux joueurs de se retrouver facilement dans les dédales de couloirs. Même la carte qui devrait pouvoir nous aider à retrouver le Nord, est totalement illisible et impraticable ! C'est un peu comme la map de "Dead Space", un gros boxon dont on ne se sert pas. A cela s'ajoutent certaines énigmes ou certains passages vraiment pas clairs, peu visibles ou bien mal mis en avant.
L'autre grosse inspiration est à chercher du côté des "Uncharted", avec des passages qui feront penser aux pirouettes de Nathan Drake, mais aussi avec cet aspect expédition archéologique puisque l'aventure nous mènera dans les tombeaux d'une race éteinte.
L'exploration permettra de découvrir moult coffres, renfermant... heu. Uniquement des objets cosmétiques. Skins pour notre petit droïde ou pour notre vaisseau, assortiment de ponchos, ou bien différents accessoires pour le sabre-laser (manches, poignées, gardes etc...) dont l'effet ne sera aussi que visuel. Quel sentiment d'accomplissement quand on trouve un coffre rudement bien caché et dans lequel est soigneusement plié un sublime poncho jaune. De grosses zones optionnelles ne font en effet que mener vers un coffre au contenu inutile. Mais le pire survient lorsqu'il s'agit de la récompense après avoir subi l'une des nombreuses et punitives séquences de glisse : globalement c'est le point le plus raté de Fallen Order, ces passages sont atroces tout simplement, y diriger Cal relève de la gageure, et agripper avec succès une liane entre deux sauts est presque un coup de bol. Une drôle d'implémentation est le fait de devoir appuyer sur L2 lorsqu'on se jette sur un mur grimpable, alors que pour s'accrocher à une corniche ou à une liane, pas besoin. Quelques chutes involontaires sont à prévoir au début de l'aventure ! Cal pourra également plonger sous l'eau afin de trouver d'autres coffres. Les phases sous-marines sont d'ailleurs sujettes à un autre manque cruel de peaufinage, puisque notre personnage se permet de... parler... sous l'eau, lorsqu'il ouvre un coffre. De plus, l'animation d'ouverture des coffres s'enclenche alors que BD-1 notre petit droïde qui est censé fouiller dans les coffres sur la terre ferme, reste accroché sur notre dos. Certains passages très sombres requièrent que l'on lève notre sabre afin d'éclairer un tant soi peu l'environnement, très pratique et l'éclairage est d'ailleurs vraiment bien rendu. Cependant, il est dommage que le sabre n'éclaire que quand Cal le lève au dessus de sa tête et certains passages sombres n'ont pas droit au script d'éclairage.
L'expérience d'être un Jedi passe évidemment par le gampeplay, qui s'intègre parfaitement au style de jeu. Plus poussé que "Jedi Knight", Fallen Order proposera un arbre de compétences dans lequel distribuer l'XP gagnée en terrassant les ennemis, en découvrant des échos de Force (Cal peut en effet revivre des moments ancrés dans le temps en "aspirant" des échos de Force), ou en scannant à l'aide de notre doïde BD-1, les décors qui ont une histoire à raconter. L'arbre de compétences - dont on distingue des branches lointaines et non atteignables par un simple Padawan qui n'a jamais terminé sa formation, j'ai beaucoup aimé ce petit détail - permettra d'améliorer les différents pouvoir retrouvés par Cal au fur et à mesure que l'on avancera dans l'histoire et qu'il se remémorera son entraînement. Ces pouvoirs sont certes limités mais sont suffisants : pousser des objets/ennemis, ou les attirer vers soi, double saut, lancer de sabre, ralentir les objets/ennemis... puis l'augmentation de sa barre de vie, ou de sa barre de Force. A noter que même lorsque l'arbre de compétences sera rempli, on pourra toujours gagner de l'expérience mais on ne pourra rien en faire. Étrange. En tout cas, débloquer de nouveaux pouvoirs sera indispensable pour revenir sur des planètes explorées en partie et atteindre des zones inatteignables jusqu'alors. Pour récupérer des ponchos.
Les combats seront naturellement une composante centrale dans le jeu, et donneront vraiment l'impression de manier un sabre-laser mortel : les coups assénés par Cal sont puissants, et coupent les ennemis -non humains- en morceaux, l'animation du personnage et les bruitages rendent les combats aussi beaux que ravageurs. Quand le verrouillage ne saute pas suite à un coup, ou que la caméra ne part pas dans les coins du décor. Dommage également que les ennemis soient stupides comme des portes. En effet, il ne sera pas rare de voir des Stormtroopers lancer des grenades à leurs pieds si on les frotte de près, ou dans le même genre mais bien plus dingue, de les voir se tirer une roquette dans les pattes, ou de tirer sur leurs potes. Mais bon, après les ennemis qui "pop" tout à coup, ou bien qui volent dans les airs... Un léger relent de manque de peaufinage se fait sentir ! Les pouvoirs de la Force viennent apporter un peu de variations dans les combats et les rendent encore plus jouissifs. Cela dit, j'ai trouvé étrange d'avoir une jauge de Force pendant les combats, mais de pouvoir spammer comme un taré et en illimité ces mêmes pouvoirs, hors combats.
Côté musique, c'est une merveille : quelques thèmes des films se feront entendre et c'est normal, mais la majorité de l'OST est composée de pistes totalement inédites, diablement bien inspirées de John Williams, et toutes d'excellente facture. Une réussite sans faille.
Après avoir terminé le jeu, il est possible de reprendre la partie avant le dernier arc, et de continuer à explorer. Il devient également possible de prendre part à des challenges : survivre à des vagues d'ennemis en tout genre.
Malgré ses points faibles, Fallen Order se révèle tout de même agréable à jouer dans son ensemble, et est à n'en point douter la meilleure production Star Wars depuis "Rogue One", grâce à sa mise en scène de qualité, et à son scénario mature. D'énormes mauvais choix conceptuels rendent certains passages indigestes, mais ne composent pas la majorité du soft. L'aventure est mouvementée, et si d'un point de vue personnel, je regrette le dénouement, je serai curieux de découvrir une éventuelle suite.