Décidément, le jeu vidéo se transforme au fil du temps en madeleine de Proust géante. Remakes, reboots, portages, liftings... L'industrie ne manque ni de mots ni de moyens pour faire survivre ses licences les plus lucratives, et parfois (souvent) les plus qualitatives. Et je ne dis pas cela parce qu'après avoir poncé de Resident Evil 2 "remake" je suis en train de me taper les bons vieux Tomb Raider originaux ressortis il y a quelques jours sur consoles (ULTRA !) HD. Bon d'accord, c'est peut-être un peu à cause de ça. Mais une fois de plus je me perds dès l'introduction de mon commentaire. Recentrons donc le débat sur l'affaire du jour, à savoir les déboires de Leon Kennedy et Claire Redfield à Raccoon City.
Pour le coup, on a droit à un remake complet et total du jeu de Capcom sorti en 1998 sur PSX (entre autres). La trame scénaristique est conservée dans les grandes lignes, l'ambiance un peu moins, le gameplay encore un peu moins, et enfin sur l'aspect visuel on est dans un autre monde.
On ne va pas y aller par quatre chemins, Capcom a mis les petits plats dans les grands pour cette version 2019 du titre cultissime qui a égayé des après-midi d'été de votre serviteur quand il n'était encore qu'un jouvenceau avec des cheveux. On se rappelle de la qualité irréprochable du remake du tout premier opus, d'abord sur Gamecube puis des années plus tard sur la génération PS4/Xbox One, mais aussi des portages plus ou moins foirés de Resident Evil 4, qui a autant de vies qu'un Albert Wesker sous stéroïdes anabolisées au Virus-G. Et bien là on est véritablement du bon côté de la Force.
Visuellement d'abord, on est frappés par le coup de jeune du titre, si tant est qu'on ait connu son pendant dans des décors en pré-calculé j'entends ! Des textures fines, des décors fouillés, des effets de lumière utilisés à la perfection... N'en jetez pas, tout est bon dans l'cochon ! L'utilisation du RE-Engine fait encore des merveilles et prouve qu'il ne sert pas qu'à faire du FPS. La direction artistique profite de la technique et nous offre des décors somptueux, qui font honneur à la Raccoon City d'antan. C'est crade, c'est sanguinolent, c'est le bordel, ça suinte par tous les pores, bref, on a pas envie d'y être et c'est un pur plaisir d'arpenter chaque zone plus flippante que la précédente. Le bestiaire a été revu et corrigé et les monstres n'ont jamais été aussi réalistes et putréfiés que dans cette version. Les effusions d'hémoglobine sont sans pitié et sans limite, ce qui à mon humble avis est une facilité un peu trop utilisée ici pour choquer.
On notera la magnifique ambiance sonore, travaillée et tellement angoissante qu'en éteignant la console, le moindre bruit vous donnera des frissons. Bruits de fond, grognements, tout concourt à être malaisant, et la recette fonctionne.
L'autre grand coup de ponceuse se trouve côté gameplay. On se souvient de la rigidité (cadavérique ?) des héros des premiers volets de la saga. Cela contribuait à rendre chaque situation stressante, et collait aux exigences techniques des machines de l'époque, on va pas se voiler la face. Ici, si on reste loin de la souplesse d'un Nathan Drake collant des bastos dans des petites têtes tout en se balançant au bout d'un grappin, disons qu'on a droit à un subtil et très très bon mélange qui fera de notre avatar un paresseux sous perfusion de vitamine C. Ce qui est mieux que le parpaing qu'on contrôlait dans les originaux ! La caméra est désormais placée derrière le ou la protagoniste, on dispose d'un réticule de visée et surtout, on peut BOUGER QUAND ON TIRE ! Le truc de fou. Bon la contrpartie c'est que les ennemis aussi, ont gagné en agilité. Et n'en déplaise aux puristes, cela ne dénature absolument pas l'oeuvre ! On se sentira toujours acculé dès qu'un leaker pointera le bout de ses griffes. L'autre changement réside(ntevil) du côté des portes. Figures emblématiques des trois (quatre en comptant le très bon Code Veronica) premiers jeux, elles avaient cette particularité de faire monter la pression tout en servant de transitions entre deux pièces : on ne pouvait pas savoir ce qui allait nous attendre quand on ouvrait une porte puisqu'un temps de chargement animé gardait la surprise jusqu'au dernier moment. Ici, pas de transition, pas de temps de chargement... On s'approche d'une porte et on l'ouvre naturellement... et on tend l'oreille, à l'affut d'un bruit suspect. Capcom a toutefois compensé cela en rendant cette version sombre, tellement sombre qu'on y verra jamais grand chose et que finalement les (mauvaises) surprises sont tout aussi présentes qu'avant.
Pour ce qui est du reste du gameplay, on prend les mêmes et on recommence ! On aura donc toujours un inventaire à la place limitée à gérer. Le premier run sera un questionnement constant de "heu ce machin là je le garde sur moi ou pas ?". Il faudra combiner certains objets entre eux afin de créer des munitions ou des soins ou encore des items de quête, en examiner certains pour découvrir leur secret, etc... Et les fameux coffres interconnectés sont toujours de la partie : on peut y stocker en illimité toutes les babioles dont on a pas encore l'utilité, et les ressortir depuis n'importe quel coffre du jeu. D'ailleurs, on garde toujours les énigmes tordues et alambiquées qui font le sel des R.E. Même si dans mon souvenir, c'était encore plus foutraque avant. Autre aspect rendu plus "casual" : on peut sauvegarder sans ruban encreur qui prend un slot dans l'inventaire, donc en illimité. Il faudra toutefois se rendre dans des zones dédiées (et zombie-proof) pour pouvoir enregistrer sa progression.
Du côté du contenu, on sera servis puisque le titre propose un parcours avec Leon, un autre avec Claire (qui ont beaucoup de similitudes), puis un parcours "B" avec chacun des personnages, apportant quelques différences dans la progression et quelques nouvelles armes. Sur Resident Evil 2 original, il fallait aller jusqu'au parcours B de Claire pour avoir droit à la "vraie" fin du jeu. Ici la fin B de Léon et celle de Claire sont les mêmes. En sus, du contenu additionnel sous forme de missions scénarisées et de challenges est dispo dans la version de base du jeu. Pas testé car pas intéressé je ne m'épancherai pas sur le sujet.
Bon et sinon j'en pense quoi de ce titre ? Et bien j'ai pris un pied monumental à redécouvrir le commissariat de Raccoon City, son architecture débile et ses couloirs sombres. J'ai adoré de bout en bout explorer les égoûts et les labos, tout en tendant l'oreille constamment, afin de m'assurer que Mr.X n'était pas sur le point de surgir de n'importe où pour me mettre une patate. Eh oui, cet antagoniste signe ici un retour marquant. Sorte de Nemesis avant l'heure, ce lourdeaud va apporter LA touche de stress dont on avait pas besoin mais qui se révèle indispensable pour rendre RE2 inoubliable. Si on peut trouver pesant le fait d'être dérangé par cet ennemi invincible, s'adapter à sa présence ne demandera pas trop d'efforts. Oui, c'est toujours ennuyeux de devoir sortir d'une pièce et de courir loin pour semer ce grand dadet tout frippé. Mais il suffit de marcher pour qu'il nous oublie. Sauf lors des moment scriptés évidemment. Le scénario est complètement pété, les personnages sont tous over the top, les dialogues sont pires que la pire des séries Z, mais c'est ça qui est parfait !