"Prey", un titre qui parle aux amateurs de FPS et de science-fiction. La première itération remonte déjà à 2007, et nous permettait d'arpenter les sombres couloirs d'un vaisseau alien après avoir été fraîchement enlevé par ces derniers. Le résultat, au delà d'un scénario prétexte, était captivant. Un ton sombre et mature, un gameplay innovant grâce aux couloirs gravitationnels, le tout axé sur de vieilles légendes amérindiennes, et bercé par une OST absolument grandiose (Jeremy Soule, si tu me lis un jour, sache que j'admire ton travail).
Malgré un beau succès tant auprès des joueurs que de la presse spécialisée, la suite, maintes fois annoncée tarda à voir le jour, et les projets avortés sont devenus l'apanage de la franchise, malgré quelques images et vidéos prometteuses, et un spin-off sortir sur iOS.
On se demande encore comment le projet a suivi son cours avant d'arriver dans les mains d'Arkane Studios, les frenchies à qui l'on doit Dishonored 1 et 2, rien que ça ! On pouvait alors sans craintes se dire que les astres étaient à nouveau alignés et que la suite de Prey n'en serait que plus alléchante.
Lorsque le projet fut présenté en 2016 on comprit immédiatement qu'il ne restait du jeu originel que le nom. Rien n'allait lier l'opus destiné à la Xbox One, la PS4 et le PC de 2017. Mais pourquoi pas ?
La nouvelle mouture nous propulse donc en l'année 2037, dans un univers dystopique. Dans ce monde, la course à l'espace des années 1950 a cru de manière exponentielle, Kennedy ayant réchappé de l'attentat du 22/11/1963, et les tensions avec l'URSS s'étant apaisées, menant à une coopération entre les deux blocs. La conquête spatiale a donc donné des fruits juteux et nous voilà à bord de la gigantesque station Talos 1, en orbite autour de la Lune.
Dans la peau de Morgan Yu dont on choisit le genre en tout début de partie, il vous faudra comprendre pourquoi à votre réveil, les 400 membres de la station ne répondent plus et surtout, que sont ces monstres gluants qui en veulent à votre carcasse.
Prey propose une aventure dans un monde semi-ouvert, et permettra de se balader dans toute la station, dont les différents modules seront rendus accessibles façon Metroidvania : au fur et à mesure que les pouvoirs et capacités se débloquent, des zones s'ouvrent au joueur. Un cheminement classique, qui se vera amplement mit au goût du jour grâce à une savante articulation de la progression. En effet, toutes les situations sont résolvables d'au moins deux manières. Par exemple, une porte protégée par un digicode vous barre la route ? Si vous disposez des compétences de piratage au niveau requis, vous voici déjà de l'autre côté. Si vous préférez l'exploration, vous finirez par tomber sur un e-mail, un post-it, un audiolog, ou bien quelqu'un, mort ou vif, disposant du code. Si vous n'avez pas le temps pour ça, il existe presque à coup sur un chemin détourné pour passer cette porte : conduite d'aération, chemin "crée" de toutes pièces à l'aide de votre canon à glu, ou encore... utiliser un pouvoir extraterrestre, mais je n'en dis pas plus car les possibilités offertes par cette dernière option relève du scénario et sont surtout géniales à découvrir par soi-même.
Au fil de l'aventure, de nombreux PNJ vous offriront des quêtes optionnelles scénarisées, certaines influant sur votre karma et sur la fin du jeu, d'autres n'étant que de bonnes occasions de récupérer du matériel. Et du matériel, vous en aurez à foison ! Prey c'est le paradis du loot. Lors de vos premières heures de jeu, vous ramasserez des tonnes d'objets mécaniques mais aussi... des ordures, sans vraiment savoir à quoi cela pourra bien vous servir. Votre inventaire va puer le moisi, mais qu'à cela ne tienne, lorsque viendra la possibilité de recycler tout ce merdier, vous n'aurez même plus besoin de voter EELV pour vous donner bonne conscience, croyez moi ! Vous trouverez lors de votre tour du propriétaire, de nombreux plans pour construire, à l'aide de matériaux recyclés, armes, munitions, et objets vous permettant d'améliorer votre avatar. La fouille minutieuse deviendra donc une seconde nature, et dépouiller les cadavres de leurs biens sera l'une de vos sources principales de revenus.
Comme tout FPS qui se respecte, Prey offre donc des combats acharnés contre des ennemis variés. Les combats sont optionnels si le joueur le veut, et les plus prudents s'en remettront aux tourelles mobiles de sécurité pour tendre des pièges aux plus retors des monstres qui vous attendent. Non tout bien réfléchi, même les plus petites saloperies mériteront de se faire tailler en pièces, ça économise des munitions et des points de vie.
Parlons ambiance, là aussi un point largement réussi du titre. Chaque module de Talos 1 propose un environnement qui lui est propre, et si on retrouvera forcément des similitudes tout au long du périple, on ne s'ennuiera jamais à force d'aller et venir entre les coursives de la station. Les bruitages donnent un sentiment de clostrophobie et de danger constant. Associés à un level-design et une direction artistique qui portent clairement la signature des créateurs de Dishonored, on croit vraiment à ce que l'on voit. Si l'on ressent les inspirations qu'on été Dead Space et Bioshock au niveau de l'ambiance, Prey pose tout de même sa propre empreinte et ne saurait rougir face à ces titres cultes.
Le rythme ne sera handicapé que par les temps de chargement entre les zones de la station, affreusement longs sur console, sauf pour les respawn. Ces temps morts brisent complètement la dynamique ce qui est fort dommage dans un jeu d'ambiance. Sachant que l'on est appelés à parcourir la station en long en large et en travers, et pour régler plusieurs quêtes, d'aller de module en module, l'attente devient parfois très lourde. Heureusemet il existe là aussi différentes manières de contourner le problème : soit passer par une zone dédiée au transit des cargaisons et traversant la station de haut en bas, ou bien tout simplement de sortir dans l'espace, et de "voler" en apesanteur vers votre destination, à condition d'avoir préalablement débloqué le sas qui vous intéresse !
Je n'ai pas encore parlé du scénario de Prey. Il est selon moi le point faible du titre, mais attention, il est loin, très loin d'être mauvais. Disons qu'il est moins poussé que ce à quoi on pourrait s'attendre compte tenu de la qualité d'écriture du background, et de tout ce qui fait l'ambiance du jeu. La faute à une narration pas forcément maitrisée, la plupart des pans du scénario se dévoilant au travers de messages radio. Il ne manque pas grand chose pour atteindre la puissance d'un Bioshock Infinite, mais on ne peut pas toujours réussir un si grand pari sur tous les axes. Je pense être sévère sur cet aspect, alors que Prey mérite une pluie d'éloges, mais j'avais des attentes peut-être trop poussées. Toujours est-il que le frisson que procure un dénouement subtil et grandiose n'est pas présent ici.
Je concluerai ce long monologue comme suit : Prey est certainement l'un des meilleurs FPS auxquels j'ai pu jouer. Son gameplay à plusieurs couches permettra à différents styles de s'y retrouver. Si l'intérêt principal réside évidement dans le fait d'utiliser tout ce que le titre propose et donc de ne pas se comporter en gros bourrin, les développeurs ont sciemment décidé de laisser à l'utilisateur final le choix des armes et en découle une véritable liberté d'évoluer. L'aventure sera longue pour qui voudra explorer Talos jusque dans ses moindres recoins et en apprendre l'histoire, mais jamais l'ennui ne sera à vos côtés. L'accent a été clairement appuyé sur l'ambiance géniale et sur le souci du détail pour croire sans peine à cet univers de science-fiction, au détriment d'une histoire qu'on aurait voulu bien plus percutante.