Ce film a beau avoir 40 ans cette année, je trouve qu'il traverse les décennies avec talent. Si le piqué d'image est sur certains plans assez ignoble, c'est surtout parce qu'en 1981 même Spielberg ne pouvait pas imaginer que son film serait numérisé et projeté sur des écrans dont le nombre de pixels par mètres carrés dépasserait le budget dudit film.
Alors oui, t'as des plans dégueulasses qui auraient probablement mérité un nettoyage, au risque de dénaturer l’œuvre. Et on déplorera quelques incrustations qui aujourd'hui font tiquer. Mais est-ce une raison pour bouder son plaisir devant l'un des plus mythiques longs métrages d'aventure de l'histoire du cinéma ?
Spoiler : non
Sur l'histoire... il faut garder en tête que tout est basé sur les serials des années 1930-1940 et Lucas/Spielberg ont su reprendre à merveille les codes à la fois naïfs et absurdes d'un genre démodé, tout en créant quelque chose de bien plus mature. Certes, ce n'est pas Shindler's List, on sent qu'ici les deux réalisateurs s'amusent avant tout et livrent un spectacle, bien plus qu'une réflexion sur l'Humain.
Si on devait trouver un vrai défaut à ce film c'est d'ailleurs sur son côté trop spectacle, qui entraîne énormément de faux raccords et de facilités en mode deus ex machina parce qu'Indiana Jones c'est le plus fort. Mais d'un autre côté, quel plaisir de revoir Dr Jones nous ébahir au son de la merveilleuse musique thématique concoctée par John Williams.
Le mal aimé de la trilogie (Quoi ? Il n'y a que 3 films Indiana Jones) se sera pour ma part bonifié avec le temps. Celui que je mettais volontiers un poil en retrait par rapport aux deux autres, se hisse aujourd'hui sur la première marche du podium.
Plus sombre et plus violent, mais aussi plus dingue et plus spectaculaire.
Rien ne pourra défendre le personnage de Willie, faire-valoir qui n'apporte rien au film si ce n'est une montée de décibels. Seul raté féminin de la saga, précurseur des talons aiguilles en terrain hostile (coucou Jurassic World), décrié unanimement... A quoi bon tirer sur l'ambulance ?
A contrario on citera Short Round, l'acolyte attachant qui nous livre les scènes les plus émouvantes du Dr Jones, ou Mola Ram le méchant sadique et cruel le plus marquant des aventures de l'archéologue.
Étrangement, c'est bien ce second volet qui accuse visuellement bien plus son âge que son prédécesseur. Enfin... pas si étrange que ça puisque le nombre de matte painting a explosé et que les incrustations sont également beaucoup plus nombreuses. C'était certes le summum des effets visuels en 1984 mais l'épreuve du temps n'aura pas été tendre. Cela étant dit, est-ce que je vais aller chier sur Metropolis parce qu'il est en noir et blanc ?
Spoiler : non
Spielberg, grand enfant devant l'éternel, qui se retrouve à mettre en scène toute une ribambelle de gamins torturés, quelle épreuve cela a du être pour lui (remarque, il n'était pas tendre avec Elliot dans ET deux ans plus tôt). Merci George Lucas qui voulait se sentir moins seul avec son Empire Strike Back d'une noirceur tragique.
N'en demeure pas moins qu'on tient là un héros au grand cœur chamboulé, qui va en baver autant que son Han Solo. C'est peut-être ça qui finalement me plait tant dans ce film, ce grand retour d'Indy aux deux tiers du métrage, magnifié par un nouveau thème musical (mon préféré !).
C'est également le seul film dans lequel on voit concrètement l'effet positif de la quête d'Indiana Jones, avec une relique qui retourne là où elle doit être, et tout un village qui revit.
Très rythmé, lorgnant souvent avec la surenchère et les passages qui enfoncent de gros doigts dans le fondement des lois de la physique, le film n'en finit pas pour autant de divertir et d'amuser. N'hésitant pas à réécrire les mythes (mais c'était déjà le cas avec l'Arche d'Alliance, et ce sera le cas avec le Graal), on comprend bien vite qu'on est pas devant un cours d'archéologie, même si la chaîne "Analepse" tend à défendre certains points évoqués par le film.
Comment mieux conclure une saga de légende qu'en lui donnant la vie éternelle ? C'est en partant à la recherche du Graal qu'Indy nous livre certains secrets de sa Genèse, ainsi qu'une fin mémorable.
On prend presque les mêmes et on recommence : le format reste identique avec une scène d'intro/exposition qui si elle est un poil plus longue que d'habitude, en profite pour passer un message : "That belongs in a museum"
S'ensuit une quête pour juste sauver le monde d'un péril imminent, en l'occurrence, empêcher les Nazis d'acquérir la vie éternelle. Les Nazis sont d'ailleurs ici dépeints de manière grotesque, presque comme dans un "Papy fait de la résistance", dans leurs manières, leurs costumes trop grands, leurs mimiques de benêts. On est alors au tout début d'une nouvelle ère pour Spielberg, qui commence tout juste à faire de la Seconde Guerre Mondiale sa thématique principale, après l'échec de 1941 et le modeste "Empire of the Sun".
Comme toute aventure d'Indiana Jones qui se respecte, on aura notre lot de trous dans le scénario et de scènes complètement ahurissantes niveau crédibilité. Et aussi certains des faux raccords les plus atroces du 7é art, comme ce "X" géant qui disparait de la dalle de la bibliothèque à Venise.
Indiana Jones à cheval contre un tank ? Pas de problème. Enfin, si un peu, mais au final c'est le blouson de cuir qui aura le meilleur blindage. Un Messerschmitt contre un parapluie ? Les paris sont ouverts. La plume plus forte que l'épée sera un thème récurrent de cet épisode, donnant lieu à de savoureux moments.
Et au diable si tout cela n'est pas crédible. La suspension consentie d'incrédulité reste largement dans les limites de l'acceptable et ne dessert à aucun moment l'immersion. Est-ce que je vais m'offusquer d'entendre des explosions dans le vide spatial de Star Wars ?
Spoiler : non
Et c'est donc pas moins de deux Jones qui seront à l'écran pour partir à la recherche de la relique la plus mystique et la plus importante de la chrétienté. On retrouve Marcus Brody qui pour le coup campe un archéologue "crédible", ainsi que Sallah, tous deux déjà vus dans le premier film. Et chez les antagonistes, on retrouvera les clichés du genre : sadiques, obnubilés, et finalement aveuglés par l'appât du gain. On regrette ce manque d'évolution par rapport aux deux métrages précédents.
John Williams, le maître incontesté des thèmes musicaux, revient en grande forme. Henry Jones et le Graal ont leurs partitions, mais c'est surtout LA musique iconique d'Indy qui s'embellit d'une conclusion magistrale.
Toujours aussi génial dans son rythme, ce film et par extension, cette saga prouve que l'on peut faire un film d'aventures et d'action saupoudré d'humour, et qui marche du tonnerre.
Au final, les effets du Graal s'estompent dès que les héros dépassent la dalle scellée du temple, on est donc encore une fois face à une relique dont les effets sont limités sur l'histoire, et il n'y a bien que dans le deuxième film que l'impression de quête inachevée n'existe pas.