Un plaidoyer venu tout droit des Etats-Unis pour une société plus sociale ? Serait-on devant la meilleure adaptation de la réinvention de Batman par les légendaires Frank Miller et Alan Moore ?
Joker décrit une Gotham City poisseuse et répugnante, et de mémoire de cinéphile, on avait pas vu une telle poubelle urbaine depuis le Se7en de David Fincher. Dès les premières minutes du film, on se sent mal à l'aise et sali par cet environnement violent, poussé aux limites de la folie, et on se laisse emporter avec le personnage d'Arthur, dépiction inédite du Joker, dans les limbes de l'aliénation et de l'insanité.
Ce purgatoire, scène et personnage à la fois, est porté à l'écran avec génie. La photographie, mes aïeux, par tous les Saints de la Justice League, mais qu'elle est belle ! Et dire que j'avais classé Todd Philips dans la catégorie des réalisateurs à oublier... J'ai encore du mal à croire qu'on puisse passer de "The Hangover" à "Joker".
Le Joker, personnage à la fois emblématique et mystérieux de la mythologie entourant l'homme chauve-souris, porté à l'écran à chaque fois de manière différente, et à chaque fois d'une manière magistrale (Hein ? Jared Leto a interprété le Joker ? Non, c'est faux, ça n'a jamais existé). Joaquin Phoenix ne déroge pas à la règle et livre, dans un film taillé pour lui, l'un de ses meilleurs, si ce n'est LE meilleur rôle de sa vie. Tout passe par son regard, et son corps de manière générale, martyrisé et démodelé, à la manière de l'esprit complètement éclaté du personnage qu'il interprète.
La musique, inquiétante et pesante, pose un cadre impeccable qui finit d'embellir d'une ambiance qui prend à la gorge. Morceaux judicieusement choisis, et on retrouve les bonnes notes, là où il faut, quand il le faut.
Seul défaut, parce que je trouve toujours quelque chose pour me déplaire, au niveau du scénario et des origines du Joker, j'ai trouvé le (faux) lien avec la famille Wayne totalement inutile. Cette partie m'a parue artificielle et forcée au possible. Tout comme le fait que Gotham, du moins ses habitants les plus pauvres, se soulèvent et se révoltent grâce ou à cause des actions du Joker. Ce n'est pas crédible.
En conclusion ? Oui, Joker signe un vrai tour de force, grâce à Joaquin Phoenix, son rire et son corps, grâce à une photographie sale à l'excès mais tellement belle en même temps, sa musique, et sa décente tranchante dans la folie.