Il est rare qu’un jeu vidéo baignant dans la dark-fantasy arrive à garder un ton toujours aussi sérieux, mature et « réaliste ». Habituellement, aux commandes d’un guerrier robuste, on enchaîne les fricassées de démons tout en riant joyeusement sur les cadavres fumants que l’IA a envoyé au casse-pipe. Avec Hellblade, l’ambiance est différente.
Hellblade c’est l’histoire d’une femme Picte, Senua, souffrant de psychose. L’action étant établie au 8é siècle de notre ère, autant dire que la carte vitale ne fonctionne pas. Senua est donc convaincue d’être la victime d’une malédiction, affligeant également son entourage. A la mort de son bien-aimé, Dillion, elle décide de partir sauver son âme tourmentée des mains de la déesse Hela, et doit pour cela traverser Helheim, une sorte de purgatoire de la mythologie nordique.
Le jeu se concentre énormément sur l’impact psychologique qu’à la maladie de Senua. Hallucinations et voix sont le quotidien de la jeune femme, et elles rythmeront la progression du joueur, plongeant dans les abîmes d’une détresse dévorante. L’ambiance générale découle donc en grande partie de cet état mental, mais les décors, la musique et le scénario ne sont pas en reste et les développeurs ont su créer une œuvre complète et finement orchestrée à ce niveau là.
Le parcours de Senua se décomposera en deux phases distinctes : la résolution de puzzles et les combats. S’ajoute une très légère partie exploration afin de trouver toutes les runes/encyclopédies contenant le savoir de Druth, un ami de l’héroïne. Notez que la découverte de toutes les runes permettra d’avoir accès à une séquence bonus avant la fin du jeu.
Entrons donc dans la description du gameplay d’Hellblade, qui pour moi est une liste à la Prévert de tout ce qu’il ne faut pas implémenter dans un jeu vidéo. Tout d’abord, Senua est un tank, le blindage en moins. Ses déplacements sont donc d’une lourdeur qui aurait pu être compensée par une caméra légère, sauf qu’il n’en est rien. Alors certes, cela rend les combats plus compliqués, sans quoi ils se résumeraient à trois fois rien. Mais quand il est impossible d’avoir une vue dégagée sur les ennemis et que ceux-ci ont la fâcheuse tendance à apparaître n’importe où, il devient légion de se faire assaillir depuis tous les angles morts, c’est à dire tout ce qui se trouve dans les 200° derrière et sur les côtés de la caméra. A la longue, c’est ennuyeux. Le reste des combats se résume à parer les coups au bon moment pour lancer une contre-attaque, et/ou à esquiver les coups trop lourds. Certains passages opposent Senua à des hordes entières de guerriers, et devant le manque d’intérêt flagrant des duels, toujours identiques et donc répétitifs, c’est souvent un sentiment de ras-le-bol qui envahit la partie.
Une dynamique intéressante en revanche, est celle du nombre limité de morts autorisées. En effet, à chaque mort, une sorte de pourriture va gagner le corps de Senua, et au bout d’un moment, le jeu se permettra d’effacer la sauvegarde, obligeant à recommencer l’aventure depuis le début. Du coup, quelques moments de frustration ternissent un peu la partie lorsqu’un évènement que l’on ne peut pas voir du fait de la caméra braquée droit devant vient occire sauvagement la pauvre Senua.
Les phases de puzzle demandent simplement d’aligner des symboles ou alors de trouver des runes cachées (parfois de manière subtile et intelligente) dans le décor. Donc, si on finit par effectivement connaître les runes pour étaler fièrement sa culture lors des soirées mondaines et qu’on peut remplacer les chiffres du molkkï par des symboles trop classe… autant dire que les puzzles d’Hellblade sont eux aussi extrêmement répétitifs, et de surcroît inintéressants au possible.
Avec un gameplay aussi raté, c’est la moitié du titre qui s’essouffle et plombe l’expérience. Heureusement, l’aspect visuel que j’ai délibérément laissé de côté pour le moment, vient arrondir les angles. Il est clair et net qu’Hellblade est un très très beau jeu, tout en plan séquence, presque complètement abouti au niveau graphique. La motion capture est tout simplement bluffante, les animations du visage de Senua sont criantes de vérité, l’environnement et les effets naturels sont dantesques… Prenez le temps d’observer les vagues qui s’échouent sur le rivage. C’est absolument parfait. Seul le moteur physique est en retrait par rapport au reste, et on regrettera que l’eau (hormis la pluie) n’ait aucun effet sur les vêtements ou la peau de Senua lorsqu’elle sort d’une baignade improvisée.
Pour conclure, il faut tout de même saluer bien bas le travail abattu par la petite équipe de Ninja Theory. Ils auraient mérité un peu plus de moyens et de temps pour peaufiner certains aspects, et la copie est à revoir pour ce qui est du gameplay. Mais force est de constater que l’ambiance est grandiose, que le scénario est bien amené et savamment distillé et que le travail sur la psychose et son interprétation ici proposée sont à la fois intelligentes et surprenantes. Malgré tout, je n’ai pas été emballé outre mesure à cause d’une fâcheuse impression de redondance et de jouabilité foireuse. L’expérience est à tenter néanmoins.
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