Quatre ans après le succès de Dishonored, le studio lyonnais Arkane nous invite à revenir dans l'Empire des Îles, afin d'encore une fois, décider de son destin. Alors que le premier volet nous "cloisonnait" à la cité baleinnière de Dunwall, dans cet épisode nous serons appelés à visiter la grande cité minière et venteuse de Karnaka sur l'île de Serkonos. Ce changement géographique appellant à une direction artistique beaucoup moins inspirée par l'époque victorienne, mais allant lorgner du côté des influences espagnoles ou cubaines voire grecques et italiennes.
L'histoire prend place alors que quinze années se sont écoulées depuis que Corvo Attano, protecteur royal, ait prouvé son innocence et retrouvé son honneur suite à l'assassinat de l'impératice Jessamine Kaldwin. Emily, fille de Jessamine et de Corvo, occupe le trône de sa mère plus par obligation que par conviction, mais un coup d'état, fomenté par une certaine Delilah, va venir une fois de plus chambouler la sérénité royale. Manette en main, nous devons choisir qui de Corvo ou d'Emily sera notre avatar pour l'aventure qui nous attend.
Le scénario du jeu étant clairement axé sur le destin d'Emily, il sera plus intéressant de jouer ce personnage plutôt que son père, dont on connait d'ailleurs les capacités si tant est que l'on ait terminé le premier opus. Cependant, jouer avec Corvo sera l'occasion d'approfondir le lore impressionant de cet univers : en effet, ayant grandi à Karnaka, il aura un lien plus fort avec cette ville, et renouera avec ses vieilles connaissances mais aussi avec des PNJ croisés dans Dishonored premier du nom.
L'aventure se déroulant à la première personne, on notera aussi un gameplay sensiblement différent selon que l'on jouera l'un ou l'autre des protagonistes, avec un avantage pour Emily qui proposera un panel de pouvoirs inédits et surprenants comme par exemple la capacité de pouvoir lier jusqu'à quatre personnages : assommez en un seul des quatre et les trois autres seront mis au tapis immédiatement. Elle pourra également se transformer en ombre afin d'attaquer plus furtivement que jamais ou de pouvoir passer dans certaines ouvertures dans les murs pour contourner la sécurité et les obstacles.
Quoi qu'il en soit, que le joueur ou la joueuse préfère la violence ou la discrétion, Corvo et Emily répondront totalement aux attentes, avec chacun une manière spécifique d'arriver à ses fins. Corvo misera sur la furtivité alors qu'Emily sera plus axée sur la distraction, mais c'est vraiment la personne qui tient la manette qui définira le style selon ses envies.
On retrouve donc un leitmotiv cher au studio : le fait de pouvoir modeler selon les outils mis à disposition par les développeurs, son propre style de jeu. Et si je trouve que cet aspect est encore plus décuplé dans Prey (qui sortira un an plus tard, développé par Arkane Studio Austin, Texas), il n'en est pas moins extrêmement plaisant ici aussi. Au delà du simple fait de pouvoir choisir entre tuer tout le monde ou bien ne faire aucune victime, c'est surtout sur la manière de procéder que l'expérience est absolument géniale. Car en effet, ce n'est pas la destination qui compte mais bien le voyage et toutes les expériences qui en découlent.
Après la fuite de Dunwall, nous prenons donc la direction de Karnaka car c'est là qu'est né le complot, et donc là que les responsables sont à retrouver et à mettre hors d'état de nuire. Le jeu va se diviser en huit missions, chacune dans un quartier différent de la ville. Des objetcifs secondaires pourront être réalisés, ils auront un impact sur l'histoire notamment si l'on souhaite trouver des moyens non mortels de vaincre nos ennemis. Ces objetcifs secondaires ne se révèleront qu'à celles et ceux qui mettront en application l'adage "les murs ont des oreilles" ou qui seront assez curieux(se) pour lire la multitide de journaux, documents, carnets de bords, affiches, notes, audiologs, etc... qui trainent un peu partout.
Notre personnage dispose de comptétences magiques, qu'il faudra débloquer, et pour ce faire, il faudra récupérer des runes cachées un peu partout, donnant des points à dépenser dans l'arbre des compétences. Des os de baleines infusés de pouvoirs mystiques et donnant des pouvoirs passifs pourront aussi être décelés pour améliorer le quotidien du clandestin que nous sommes devenus. Il sera également possible de créer soi même ses propres babioles afin d'augmenter leur pouvoir. Mais la magie n'est pas notre seule alliée, et un inventaire bien fourni nous accompagnera : l'arbalète avec ses flèches, pouvant enflammer, endormir, faire fuir. Le révolver, les mines antipersonnel avec leurs lames de rasoir ou leur rayon incapacitant. Les grenades que l'on peut coller discrètement sur les ennemis afin de les faire exploser au meilleur moment... Et tout ce beau monde peut être amélioré à condition de trouver les plans adéquats et d'aligner la monnaie sonnante et trébuchante au marché noir dont il faudra trouver l'entrée (en général il suffit de chercher les indications sur les murs de la ville).
Chaque mission débute peu ou prou de la même manière : après un briefing, direction le quartier qui abrite notre cible. La première phase consistera surtout à s'imprégner de l'ambiance, des informations utiles pour la suite, ainsi qu'à trouver le meilleur chemin pour accéder à la zone suivante. Passer par la grande porte ou bien par une fenêtre ouverte, par les toits, les égoûts, ou un appartement infesté de mouches à sang ? A vous de voir. Dans tous les cas, fouiner sera la méthode la plus payante si vous souhaitez profiter des possibilités offertes par le jeu, car distribuer les plombs et les flèches enflamées façon Doom sera bien moins gratifiant que de trouver une troisième voie diplomatique et non clairement annoncée en début de partie.
A la fin de chaque mission, un débriefing résumera vos exploits, énumérant le nombre de PNJ tués ou simplement assomés, le nombre de fois où vous aurez été détecté(e)s, tout cela attribuant un rang sur une matrice : plutôt bourrin chaotique, ou plutôt pacifiste discret ? De même, le loot étant omniprésent, vous saurez si vous avez découvert tous les schémas d'amélioration, les runes et charmes, les tableaux, et le pognon qui n'attendent que de finir dans vos poches. Etant donné le nombre de lieux à visiter et la richesse des décors, tout trouver relève du challenge.
Car oui, la direction artistique et le level-design n'y sont pas allés avec le dos de la main morte. On retrouve bien évidemment cette patte visuelle propre au studio, avec des peronnages au traits grossis mais plein de détails. Karnaka est magistralement architecturée, avec ses grands immeubles d'habitation, ses ruelles, ses grandes places, et ses bâtiments de prestige. Palais, musées, bureaux, repaires de malfrats, manoirs... Tous ces lieux sont remplis de surprises et de trouvailles qui illustrent la créativité du studio en la matière. Ainsi, alors qu'on pourra reprocher au jeu d'être répétitif dans le sens où il demandera à chaque fois d'infiltrer un lieu pour atteindre un personnage, cet argument sera bien vite balayé par le renouveau constant surtout dans les décors intérieurs et par les bonnes idées scénaristiques.
Côté histoire, il n'y a rien à reprocher à l'écriture qui est recherchée et ne laisse rien au hasard. Il ne faut cependant pas s'attendre à un scénario incroyable, et on se retrouvera souvent en terrain connu avec des situations déjà vues. Par exemple, Emily, confrontée à la réalité de la vie, va enfin se rendre compte que son peuple ne mange pas toujours à sa faim et selon l'aligmenent de la partie se promettra d'être une meilleure souveraine qui essaiera d'améliorer le quotidien de ses sujets.
Mes quelques reproches iront du côté de quelques actions mystérieuses pendant les missions : souhaitant effectuer une partie sans tuer personne, j'ai été plusieurs fois surpris en phase de débriefing de constater qu'un ou deux personnages avaient été comptés comme tués alors que j'avais mis un point d'honneur à ne zigouiller personne. Et j'ai pu constater ingame qu'un PNJ était mort sous mes yeux alors que je ne l'avais "que" endormi avec une fléchette tranquilisante. Heureusement, on peut recharger rapidement la sauvegarde la plus récente. Enfin "rapidement"... quand même 20 à 30 secondes de chargement, et croyez moi, si vous tentez de faire une partie sans être repéré(e) une seule fois, vous allez user et abuser de cette fonction plus que de raison !
Dishonored 2 brille donc par l'expérience de jeu qu'il fournit, par la quantité astronomique de possibilités qu'il offre, par sa direction artistique toujours aussi inspirée. Côté gameplay les pouvoirs magiques offrent leur part de nouveautés et permettent de s'échapper du carcan imposé par la jouabilité à la première personne. Le scénario est un peu bateau mais très bien écrit, et le monde dispose d'une histoire vaste et profonde. Jeu Arkane oblige, il est nécessaire de faire au moins deux parties complètes pour découvrir un maximum des issues possibles, et tester toutes les méthodes d'approche. J'ai personnellement passé un excellent moment à fouiller de fond en comble tous les coins et recoins de cet univers, à voler tout ce qu'il était possible voler et à tenter diverses techniques pour terminer les missions.