Saga culte de la science-fiction horrifique et nihiliste, la licence Alien aura fait rêver, cauchemarder, rire (Eh oui, Hudson est un sacré bout-en train), mais aussi hélas souffler de désespoir avec des films préquels d'une stupidité harassante. Oh, je les ai poncées les VHS des trois premiers films ! Au point où j'en connais chaque réplique et chaque détail. Quand un opus signé Neill Blomkamp a été annoncé puis annulé, tous mes espoirs se sont retrouvés comme atomisés par l'explosion d'un processeur atmosphérique, mais pour la Fox, hors de question de s'asseoir sur la poule aux œufs si dangereusement dorés.
Sorti à peu près de nulle part, Romulus sait déjà qu'il marche sur un champ de mines. L'action du film se situe... entre Alien et Aliens. C'est donc une sorte de préquel mais pas vraiment. Niveau prise de risque, on sent déjà que ça va pas aller bien loin ! Par contre, là où la Fox a joué une bonne carte, c'est en choisissant Fede Alvarez. Le réalisateur Argentin n'est pas un Yes-Man et a une vision artistique intéressante. Habitué des productions dans lesquelles de jeunes gens deviennent fournisseurs officiels de la foire aux boudins de Mortagne-au-Perche (chaque année du 15 au 17 mars), il apparaît effectivement comme tout désigné pour équarrir Rain et sa bande de potes.
Alien Romulus c'est l'histoire de mineurs mineurs (non ce n'est pas une faute de frappe) coincés sur la face sombre de Jackson' Star, planète pourrie où ils sont contraints de travailler pour la Weyland-Yutani dans des conditions qui rappellent celles des mineurs mineurs (toujours pas de faute de frappe) qui extraient les métaux rares qui servent à faire fonctionner le téléphone ou l'ordinateur que vous utilisez pour lire ceci. Rain, son frère-androide (...) Andy, Tyler, Kay, Bjorn et Navarro n'ont qu'une envie : s'enfuir par leurs propres moyens de cet enfer afin d'aller vivre sur une autre planète. Et étant donné la nature du périple qui les attend, je me demande si on ne serait pas face à une allégorie sur l'immigration. Par un concours de circonstances qui ne seront jamais élucidées, Tyler parvient à trouver des caissons hibernétiques qui permettront à ses amis de survivre aux 9 années de voyage nécessaire pour atteindre leur destination. Mais il y a un petit problème : les caissons se trouvent sur une station spatiale abandonnée, et les récupérer s'avérera un peu plus compliqué que prévu.
Bon alors déjà, là où Romulus se plante dans les grandes largeurs, c'est dans ses personnages.
Les deux personnages principaux sont Rain et Andy, les autres sont clairement secondaires et il est écrit sur leurs tronches qu'ils sont là pour mourir. Ils sont caricaturaux et on se moque bien de leur sort. Mais quelle erreur d'avoir fait de Rain une suiveuse sans relief, presque transparente ! Elle ne dit jamais rien, elle se contente d'avancer avec le reste de ses potes, avant de soudainement devenir une Marine Coloniale dans le dernier quart du film. Seul Andy, l’androïde, tire son épingle du jeu et est attachant.
Enfin, on sent que le casting est exclusivement jeune pour attirer un nouveau public. Mais il suffit de regarder la filmographie de Fede Alvarez pour comprendre qu'il aime trucider les gens d'à peine 20 ans.
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L'autre point noir du film, c'est son insistance sur les références. Il y en a partout. Tout le temps. Dans la scène d'ouverture, on retrouve le Nostromo et le Xénomorphe du premier film, rebaptisé XX121 pour l'occasion. Dans la scène suivante on a droit au pain de maïs et au "Drinking bird". Dans la station spatiale Renaissance, les conduits d'aération sont les mêmes que ceux du Nostromo, certains passages sont des copiés/collés bêtes et méchants, coucou la scène de la mitrailleuse. Et pire encore, des répliques cultes sont balancées sans aucune raison logique : le "Stay away from her you.... Bitch ?" d'Andy est tellement poussif ! Pendant tout le film j'espérais que l'on ne tomberait pas aussi bas. Et puis il faut aussi que le scénario vienne mettre au centre de l'histoire la substance noire de Prometheus, et recycle l'idée du Xenomorphe humain d'Alien Resurrection. La seule vraie bonne référence c'est celle de l’utilisation du visage d'Ian Holm qui revient en tant qu’androïde scientifique. Techniquement c'est absolument dégueulasse, mais l'idée est excellente !
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Mais d'un autre côté, les références étaient obligatoires, car la station Renaissance est divisée en deux sections : Romulus et Remus. Chaque section représente un film : Remus pour Alien et Romulus pour Aliens. Cela se concrétise à l'image avec des décors inspirés de chacun des films selon la section dans laquelle l'action se déroule.
La direction artistique signe d'ailleurs un quasi sans-faute : les prises de vues réelles ou en CGI (hormis celles de l'androïde Rook) sont parfaites. Mention spéciale pour les décors, souvent filmés en plan-large afin d'en apprécier les détails.
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Comme dans tout Alien qui se respecte un minimum, on a droit à de nouvelles saloperies cosmiques et à de nouveaux éléments concernant le mythe des Xénomorphes. On apprend donc que ces charmantes bestioles peuvent modifier leur ADN à la volée selon les conditions et accélérer leur croissance si nécessaire. En gros ça veut dire : "on savait pas comment expliquer qu'un facehugger ponde en 1 minute et qu'un chestburster devienne un Xénomorphe en moins d'une heure alors tais-toi". Tout comme l'explication pour la création des facehuggers, magicalement imprimés (oui oui) à partir de l'ADN du XX121.
On découvre aussi que le XX121 a besoin d'un cocon avant d'atteindre sa taille adulte.
Et enfin, l'Offspring, version encore plus crade du Newborn de Resurrection, qui a quand même droit à une séquence hélas pas assez mise en avant lors de laquelle il va téter le sein de sa mère.
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Assez de subjectivité, qu'ai-je pensé en mon for intérieur, d'Alien Romulus ? Il n'est clairement pas aussi bien que ce que j'aurais espéré mais aussi bien moins catastrophique que ce que je craignais. Le film fourmille de bonnes idées et surtout, bénéficie d'une ambiance absolument incroyable, portée par une photographie au poil et des décors/costumes et effets spéciaux remarquables. Au début, les clins d’œil sont bienvenus, mais ils deviennent vite écœurants, surtout quand ils sont mal utilisés. Côté scénario, on goûte un peu à tout. Si le rythme est obsessionnellement rapide avec ses comptes à rebours qui s'accélèrent, grand classique de la franchise puisque les 4 premiers films usent de cet artifice, disons qu'il a au moins le mérite de tenir en haleine. Les passages à tension du film sont bien mis en scène mais jamais ils ne viennent réellement surprendre faire monter pression. A minima, on ne subit pas un montage à la hache avec des coupures toutes les 2 secondes. Et puis, retrouver ENFIN depuis l'opus signé Jean-Pierre Jeunet en 1997, des Aliens dignes de ce nom ! Disons que c'est un plaisir que je ne peux entièrement bouder.
J'ai vu qu'il existait une version Director's Cut que je suis curieux de découvrir, j'espère qu'elle verra le jour avec la sortie du film en Blu-Ray.