Quoi de mieux pour rester dans le bain de la pandémie, que de lancer un jeu qui justement, patauge jusqu'au cou dans les bubons purulents et la transmission de maladies ? "A Plague Tale : Innocence" nous renvoie en l'an de grâce 1348 quelque part dans le Royaume de France, avant les anti-vaxx et les tests antigéniques, alors qu'une menace plane sur toute l'Europe, celle de la Peste Noire. Et comme si cela ne suffisait pas, voilà que l'Inquisition vient aussi mettre son gros nez dans les affaires du peuple.
Dans ce contexte heureux, le joueur contrôle Amicia, jeune femme de bonne famille, qui va voir son monde s'écrouler, quand des soldats vont débarquer chez elle, trucider ses gens et ses parents, tout cela pour pouvoir mettre la main sur son petit frère, Hugo, qu'elle connaît à peine car ce dernier a passé toute sa vie (6 ans environ) cloitré dans ses quartiers, souffrant d'une étrange maladie. Amicia et Hugo se retrouvent donc livrés à eux-même dans une monde hostile, et vont se mettre en quête d'un alchimiste capable de trouver un remède.
On retrouve quelques similitudes avec un autre jeu au titre évocateur : "Brothers : A Tale of Two Sons" dans lequel une fratrie évolue dans un monde médiévalo-fantastique, en quête d'un remède. Mais la comparaison s'arrêtera là.
Le gameplay est simpliste car le jeu repose avant tout sur son ambiance et sur son histoire. Divisé en 17 niveaux, le titre va proposer des phases d'infiltration ou d'exflitration, tout en utilisant le décor à son avantage. Amicia est équipée d'un sac de pierres (qu'il faudra recharger) et d'une fronde (qu'il faudra améliorer) dont les munitions iront de la simple caillasse, à la pierre enflamée, à celle qui pue pour attirer les rats, en passant par celle irritante qui oblige les gardes à enlever leur casque. Jouer avec le décor donc, en lançant des pierres sur certains éléments pour distraire les trouffions, pour éteindre des lanternes ou au contraire enflammer ce qui peut l'être afin de se tailler un chemin à travers des hordes de rats, ou tout simplement en interagissant avec différents objets ou machines pour libérer un passage. Si quelques moments demandent une once de réflexion (effectuer des actions dans le bon ordre), la plupart sont assez mises en avant pour être réalisées d'une traite. Sauf le boss final, que j'ai du recommencer trois fois avant de comprendre réellement le mécanisme imaginé par les développeurs.
C'est donc presque un film interactif plus qu'un jeu vidéo à proprement parler, les phases de jeu étant très immersives et demandant assez peu d'attention sur les mouvements. Soyons honnêtes, il m'est arrivé plusieurs fois de mourir repéré par un garde ou bouffé par les rats, le plus souvent à cause d'une curiosité trop poussée par la volonté de récupérer toutes les ressources, et tous les objets (fleurs pour l'herbier d'Hugo, cadeaux et curiosités) habilement disséminés dans les niveaux. Ces derniers font d'ailleurs office de petite encyclopédie et nous apprennent en quelques lignes des détails intéressants sur la vie au Moyen-Âge.
Pour finir sur le gameplay, il est à noter que notre personnage est loin d'être agile ! Ceci renforce le sentiment d'être constamment pris au piège et rend chaque alerte d'autant plus stressante que l'on sait qu'il sera difficile d'échapper à un garde qui vous aura repéré. Cela étant dit, ils sont cons comme des tables, et ne doivent leur relative efficacité qu'à leur nombre ou à leur armure pour certains. Mais la plupart finiront avec un gadin dans la face, merci m'sieur-dame.
Sur le plan technique, la Team Asobo a réussi un pari assez fou. C'est absolument magnifique, que l'on soit dans des décors de cartes postales ou bien dans les tréfonds les plus sordides. Les jeux de lumière sont bluffants et donnent un aspect photo réaliste aux décors. Les rats sont également magistralement gérés, et ils ont beau être des milliers à l'écran, leur masse grouillante reste toujours fluide et vivante, sans ralentir l'affichage. Reste toutefois les animations des visages qui donnent un rendu statique qui dénote complètement avec certains dialogues, surtout lors des passages les plus tristes.
Car oui, "A Plague Tale" est sombre, peut-être pas autant qu'un "The Last of Us Part II" qui se pose là en la matière, mais c'est loin d'être la fête du début à la fin. Les personnages souffrent, leurs amis aussi, et tous sont témoins d'évènements qui les dépassent et de la cruauté sans limites de leurs contemporains. Les antagonistes sont d'ailleurs de belles ordures comme on les aime. Les deux principaux méchants sont des ersatz de Palpatine et de Vader, l'un étant chétif et décrépi mais très puissant, l'autre étant une grosse brute en armure. Et d'autres références, l'oeil averti en trouvera un certain nombre (notamment une épeé dans un brasier, les adeptes du Seigneur des Cendres comprendront !).
Une grosse quinzaine d'heures tout de même sont nécessaires à qui souhaite découvrir tous les secrets du jeu, et ne laisser aucun pixel dans l'ombre. Et chaque minute passée sur le titre est franchement agréable et ludique. La suite annoncée sera je l'espère plus poussée dans sa proposition de gameplay, et lèvera le voile sur certains pans de l'histoire encore mystérieux.